EXTRAIT - Par Michel Desjoyeaux
" Considérer encore que ce que la plupart d'entre nous sont venus chercher, et ont fait, relève de l'aventure serait, de mon point de vue, une erreur d'appréciation. A l'aube de ce nouveau millénaire, il semble acquis que la voile en général, et la course au large en particulier, ont quitté la rubrique faits divers pour rejoindre les pages sports dans les journaux quotidiens. Ce qui m'a le plus fasciné pendant ce tour de notre planète, c'est de voir qu'une seule personne puisse faire en quasi-simultané plein de choses différentes, et ce à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, quels que soient le temps, le vent, l'humeur, pendant quatre-vingt-quinze jours. Les choses s'enchaînent au rythme de la course, au rythme que tu veux bien suivre, que tu veux bien faire suivre à ta monture. Sans cesse, tu passes de la navigation aux attentions pour ton estomac, de la prise de ris à l'inspection des pilotes automatiques, des cadeaux de Nol à la couture d'une voile sur la plage avant. meme pendant ton sommeil, tu ne dors que d'un il, car c'est ton bateau qui te dicte ton temps de sommeil, c'est lui qui te sortira du lit pour aller le redresser, en marchant sur les murs devenus planchers le temps d'une figure libre. La frayeur passée, tu remettras du charbon parce que tu es en course et que la courbe de ton moral passe par un niveau de sollicitation minimum pour ne pas sombrer dans un convoyage pour insomniaque, loin de tout, sans autre but que de revenir au point de départ. A une époque ou, malgré moi, les mentalités dérivent " à l'américaine ", etre seul auteur des jolis coups, mais surtout des galères et autres erreurs, redonne tout son sens à la responsabilité individuelle, au droit des hommes à disposer d'eux-mêmes, à assumer leurs choix..."